
Ser Serpas
Ser Serpas est née en 1995 à Los Angeles d’une famille originaire de Géorgie. Résidant et travaillant à Paris, la jeune artiste est diplômée de la HEAD Genève et de la Columbia University à New York. Sa pratique artistique associe la sculpture, la poésie, la peinture et le son pour créer des compositions transversales qui résistent à la simple catégorisation face à la fossilisation. Elle est représentée par la galerie Balice Hertling à Paris et par la galerie Karma International à Zurich. Ser Serpas fait partie de la prochaine exposition collective du prix Reiffers Art Initiatives en Mai 2023.
Biographie
L'artiste et poétesse nomade a conquis les cercles artistiques occidentaux, par ses arrangements précaires de déchets urbains récoltés à proximité des endroits où elle les expose.
Elle compose ainsi une description du lieu, rédigée avec des pupitres d’écoliers désarticulés ou des baignoires défraîchies, "natifs" du site. Ser Serpas réinvente le concept de "found materials" dans des sculptures dont l’apparente impassibilité est souvent trompeuse. Elle préfère les objets qui portent les stigmates de leur usage. Comme si, ayant hérité d’un monde très abimé, elle voulait créer de la poésie à partir de ses décombres.
De ces matériaux détruits s’exhale un parfum de déclin. La tension et l’équilibre des sculptures résonnent de la précarité de bien des vies vécues – ou fortunes perdues – en même temps qu’elles font écho au fragile optimisme de leurs propriétaires. Ainsi que l’écrivait Rindon Johnson, « elle tisse des anti-portraits, qui vous collent aux dents comme des images rémanentes ».
Textes
"Ser Serpas, artiste majeure, se dédouble à Paris" par Ingrid Luquet-Gad
— Les Inrockuptibles, 2021
"Dans les deux espaces de la galerie Balice Hertling, ainsi que dans l’accrochage inaugural de la Bourse de commerce, la jeune artiste déploie un vocabulaire brut et poétique à la fois. Un pied de nez réjouissant aux attentes du monde de l’art, du moins celui du monde d’avant.
Il s’agit peut-être de l’une des ascensions les plus fulgurantes d’une toute jeune artiste, de l’une de celles, du moins, dont on pressent qu’elle s’inscrira dans le temps. Ser Serpas est née en 1995, et si elle semble être partout ces dernières années, il ne s’agit pas pour autant de ces carrières préfabriquées comme il y en aurait tant d’autres. Grandie à Los Angeles, formée à New York, basée un temps à Zurich avant de s’être récemment relocalisée à Tbilissi, Ser Serpas est tout d’abord une artiste d’artistes : ce dont d’abord elles et eux qui la regardent, discutent son travail, l’exposent dans leurs lieux autogérés.
À l’entendre relater ses premières années, une même genèse se dessine : il en va de ces rencontres avec d’autres artistes, performeur·euses, poètes, par l’entremise de la scène new-yorkaise ou d’Instagram où se lit quelque chose comme le portrait d’une solidarité qui échappe à l’individualisme latent du monde de l’art. C’est que la scène de Ser Serpas n’est pas l’immédiatement visible, déjà adoubée par les centres de validation établis mais celle qui, peu à peu, autour d’elle et par elle, le devient désormais, et remplace peu à peu les arrière-gardes héritées. Car entre artistes, écrivain·es, musicien·nes et autres âmes créatives racisé·es, non-binaires et précaires, les liens tissés d’abord hors des radars ont cimenté un terreau créatif vibrant et bouillonnant.
Là, le même processus s’écrit en élévation, atteignant une qualité quasi-mystique alors que la lumière changeante du jour vient baigner, sur les deux étages, les assemblages monumentaux précaires. Réalisés sans colle ni clou, ils témoignent de ce que l’artiste qualifie d’une performance ou d’une chorégraphie privée, désignant le moment où, suite à son processus de glanage, celle-ci s’enferme la nuit dans la galerie – aidée de caféine ou de boissons énergisantes – afin de se livrer au travail de composition en tant que tel, réalisé en quelques heures. S’il en va d’une démonstration de force, réappropriée à la rhétorique testostéronée des sculpteurs mâles de l’histoire, catégorie bien établie des promos d’écoles d’art d’aujourd’hui encore – la qualité formelle déborde la simple maestria gestuelle.
Du geste retiré à la capture reste autant de mues, composées de caddies et poteaux, baignoires et troncs d’arbres, dont chaque élément entretient, le temps de l’exposition, une conversation secrète, murmurant de leur langage d’artefacts mis au rebus des narrations éphémères et charnelles, tout en déployant un opéra de choses à parts égales tragique et comique".
Il s’agit peut-être de l’une des ascensions les plus fulgurantes d’une toute jeune artiste, de l’une de celles, du moins, dont on pressent qu’elle s’inscrira dans le temps. Ser Serpas est née en 1995, et si elle semble être partout ces dernières années, il ne s’agit pas pour autant de ces carrières préfabriquées comme il y en aurait tant d’autres. Grandie à Los Angeles, formée à New York, basée un temps à Zurich avant de s’être récemment relocalisée à Tbilissi, Ser Serpas est tout d’abord une artiste d’artistes : ce dont d’abord elles et eux qui la regardent, discutent son travail, l’exposent dans leurs lieux autogérés.
À l’entendre relater ses premières années, une même genèse se dessine : il en va de ces rencontres avec d’autres artistes, performeur·euses, poètes, par l’entremise de la scène new-yorkaise ou d’Instagram où se lit quelque chose comme le portrait d’une solidarité qui échappe à l’individualisme latent du monde de l’art. C’est que la scène de Ser Serpas n’est pas l’immédiatement visible, déjà adoubée par les centres de validation établis mais celle qui, peu à peu, autour d’elle et par elle, le devient désormais, et remplace peu à peu les arrière-gardes héritées. Car entre artistes, écrivain·es, musicien·nes et autres âmes créatives racisé·es, non-binaires et précaires, les liens tissés d’abord hors des radars ont cimenté un terreau créatif vibrant et bouillonnant.
Là, le même processus s’écrit en élévation, atteignant une qualité quasi-mystique alors que la lumière changeante du jour vient baigner, sur les deux étages, les assemblages monumentaux précaires. Réalisés sans colle ni clou, ils témoignent de ce que l’artiste qualifie d’une performance ou d’une chorégraphie privée, désignant le moment où, suite à son processus de glanage, celle-ci s’enferme la nuit dans la galerie – aidée de caféine ou de boissons énergisantes – afin de se livrer au travail de composition en tant que tel, réalisé en quelques heures. S’il en va d’une démonstration de force, réappropriée à la rhétorique testostéronée des sculpteurs mâles de l’histoire, catégorie bien établie des promos d’écoles d’art d’aujourd’hui encore – la qualité formelle déborde la simple maestria gestuelle.
Du geste retiré à la capture reste autant de mues, composées de caddies et poteaux, baignoires et troncs d’arbres, dont chaque élément entretient, le temps de l’exposition, une conversation secrète, murmurant de leur langage d’artefacts mis au rebus des narrations éphémères et charnelles, tout en déployant un opéra de choses à parts égales tragique et comique".